Les Oberlé

les-oberléCe livre à succès a été publié en 1901 ; il va ouvrir les portes de l’Académie Française à son auteur. C’est un roman patriotique, dont l’action se situe en Alsace, et qui s’inscrit bien dans le climat nationaliste de l’époque : celui d’un vif désir de revanche, si bien illustré par M. Barrès. L’auteur décrit, avec beaucoup de précision et un vrai talent d’observateur, l’Alsace sous l’occupation allemande. Il y a effectué de minutieuses reconnaissances sur place, et noué de solides amitiés avec plusieurs personnalités alsaciennes : Mgr Freppel, le médecin Pierre Bücher ou le peintre Charles Spindler par exemple. L’engagement résolu de l’auteur pour la cause de l’Alsace, province particulière, mais bien française de coeur, ne retire pas à ce livre, sa valeur de témoignage historique, car il n’est jamais polémique et ses héros sont analysés avec nuance et finesse.

R. Bazin décrit la vie quotidienne près de Strasbourg, dans un milieu d’affaires aisé, 30 ans après l’humiliante défaite française de 1870, et 15 ans avant la déclaration de la guerre de 14-18. Il fait le constat d’un climat de résistance de l’ensemble de la population à l’occupation allemande (refus de la langue, de l’administration et de la culture allemande). Cette résistance s’accompagne souvent d’une souffrance réelle due aux divisions dans les familles, et d’une attitude de rejet d’ensemble, que l’auteur analyse avec précision.foret

Voici brièvement résumée l’intrigue du livre : après avoir réussi de brillantes études de droit à Berlin, Jean Oberlé retourne dans sa famille, à Alsheim. Son père Joseph est à la tête d’une entreprise de bois qui tourne bien et Jean souhaite lui succéder. Mais Il retrouve alors une famille déchirée : son père et sa sœur Lucienne font tout pour coopérer à l’esprit allemand – puisque c’est le plus fort du moment – ; esprit que Jean, sa mère Monique et son grand-père Philippe, l’ancien député protestataire, rejettent plus ou moins résolument. Jean, surtout, fait preuve de bonne volonté, notamment avec sa sœur Lucienne, pour atténuer les conflits.

oberle-a650456e-7fb5-4475-83c0-40bb082f1037Il est amoureux d’Odile Bastian, la fille du maire…Le projet de mariage se précise, jusqu’à ce que Jean apprenne que sa sœur Lucienne s’est fiancée au Lieutenant von Farnow, très « prussien » de mentalité. le blocage entre les deux familles devient alors total. Jean ne peut pas épouser Odile et n’a plus qu’à partir et déserter, car il doit commencer son service militaire dans l’armée allemande. Il rejoint la France par une voie clandestine, avec l’aide de l’Oncle Ulrich, « silencieux et serein, mais sans concession avec le Reich ». Du coup, c’est W. von Farnow qui ne peut plus, lui aussi, épouser Lucienne, sœur d’un déserteur…

Ce roman patriotique repose tout entier sur la tension permanente entre Alsaciens profrançais, Alsaciens « opportunistes » et Allemands conquérants. Il constitue une peinture très véridique du drame qu’a connu l’Alsace après 1870. Pour conclure, voici la forte parole, dite avec une sereine détermination par Jean Oberlé : « Je serais libre, je refuserais votre race, votre religion, votre armée, qui ne sont pas les miennes… Vous voyez que je vous parle franchement… Je tiens à vous dire que vous ne me devez rien,… mais aussi que je n’ai contre vous aucune animosité injuste ».

Jacques Richou
Le 12 janvier 2014

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