Reprenant le titre des Oberlé, livre à succès de 1903 qui lui avait ouvert les portes de l’Académie Française, mais cette fois avec le qualificatif « nouveau », R. Bazin a écrit un second roman d’Alsace, écrit en 1919, contexte forcément assez différent de celui de 1903. Plus encore que pour le précédent, ce livre est un roman patriotique, mais sans triomphalisme. L’auteur décrit, avec le talent d’observateur attentif qu’on lui connaît, et une perspicacité étonnante, la psychologie et les sentiments intimes des protagonistes… Sa présentation du peuple allemand est apaisée.
Le cœur de ce roman, c’est le drame d’une femme, Sophie Ehrsam, veuve d’un industriel bien implanté à Masevaux. Au moment de la déclaration de guerre, ses deux fils qui avaient repris provisoirement l’entreprise familiale, se déchirent sur le choix de leur engagement patriotique : Pierre, l’aîné jovial et direct, fait le choix de s’évader vers la France et de s’engager dans l’Armée ; Joseph, le second, plus réservé et secret, est convaincu du futur succès allemand. Et, pour assurer la continuité de l’affaire familiale, il fait le choix inverse et rejoint les Unités Allemandes, sur le front russe en Lituanie.
A l’arrière, précisément en Provence près d’Avignon, se développe un hôpital d’accueil des blessés de guerre, avec l’engagement exemplaire de bénévoles : le baron de Clairépée comme brancardier et sa fille Marie comme soignante. C’est là que Pierre Ehrsam sera accueilli après une blessure au combat et que va se développer une attirance mutuelle et un amour durable pour l’avenir : histoire d’amour d’une grande finesse. Pourtant les obstacles ne manquent pas, notamment les différences sociales et culturelles. Les incompréhensions réciproques se répètent, entre les héros du roman, à propos des forces et faiblesses de leurs régions et nations profondément différentes : l’Alsace, la France et l’Allemagne.
Dans cette période de guerre impitoyable et meurtrière, le ton des propos échangés est parfois vif, voire hostile et violent, par la force des choses. Néanmoins, au-delà de ces affrontements inévitables dans un tel contexte, ce livre est profondément vrai. Il reflète, de façon étonnante, le caractère propre de l’Alsace, ses traditions et sa sensibilité…bref, un tableau attachant de l’âme alsacienne.
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