Vous pourrez lire, ci-dessous, le témoignage donné par Eric HERVE-BAZIN, le 12 octobre 2008, à Paris, lors de l’Assemblée générale des “Amis de René Bazin”. Nous le remercions de nous avoir autorisés à publier ce témoignage personnel exceptionnel.
J’AI RECU UNE MISSION EXTRËMEMENT PRECISE :
“ JE VOUDRAIS QUE TU DISES, AVEC TES MOTS A TOI, ET DANS LE CONTEXTE DE 2008, POURQUOI TU ADMIRES R.B, QUELS SONT LES POINTS SAILLANTS DE SON ŒUVRE, POURQUOI IL EST INTERESSANT DE LE RELIRE ”
CECI, BIEN SUR, EN MA QUALITE, ASSEZ NOUVELLE, IL FAUT BIEN VOUS LE CONFESSER, DE “ GRAND ADMIRATEUR DUDIT RB ”.
LA MISSION PRECISE EGALEMENT PAR UN RENVOI EN BAS DE PAGE ET J’AURAI BIEN GARDE DE NE PAS L’OUBLIER “ 10 A 12 MINUTES MAXIMUM ”.
J’EN CONCLUS QUE JE N’AURAIS JAMAIS DÛ ACCEPTER CETTE MISSION CAR DEVANT UN TEL AEROPAGE QUI CONNAIT DEJA LE SUJET COMMENT EN SI PEU DE TEMPS RESUMER TANT DE CHOSES SI CE N’EST POUR DIRE DES BANALITES OU POUR PARLER SI VITE QUE J’EN SERAI INAUDIBLE. A SUPPOSER MÊME QUE JE PUISSE ÊTRE IN TERESSANT CAR ENFIN, COMME VOUS LE SAVEZ PROBABLEMENT TOUS, CE SUJET A ETE DEJA TRAITE LE 25 MARS 2000 LORS D’UN COLLOQUE ORGANISE PAR L’UNIVERSITE CATHOLIQUE DE L’OUEST.
MAIS CHOSE PROMISE, CHOSE DUE ! JE N’EVITERAI DONC PAS L’OBSTACLE, QUITTE A LE TUTOYER.
I . POURQUOI J’ADMIRE RB, DANS LE CONTEXTE DE 2008.
PARCE QUE C’EST UN ROMANCIER DE l’ESPRIT, DE L’ANALYSE DE LA PENSEE ET DU COMPORTEMENT TRES DIFFERENT DES ROMANCIERS DE NOS JOURS QUI TRAITENT PLUS FREQUEMMENT DU CORPS ET DES SENSATIONS (cit n° 1- tirée de “ étapes de ma vie ”)
“ aujourd’hui on ne fait plus que le roman des corps ; l’étude des âmes ne s’y compose que d’une vulgaire analyse de sensations enchaînées. Toute la partie haute de nous-mêmes y est laissée de côté, ignorée ”
PARCE QUE C’EST UN ROMANCIER QUI TRAITE DE PROBLEMES DE SOCIETES TOUJOURS ACTUELS :
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FIDELITE A DES CONVICTIONS RELIGIEUSES DANS UN MONDE SI PROMPT A DOUTER,
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COMPORTEMENT SANS CONCESSIONS ADAPTE A SES CONVICTIONS (cit n° 5),
“ Il n’y a pas un genre de roman qu’on puisse désigner sous le titre de roman catholique. Il y a des romans écrits par des catholiques et qui se distinguent simplement en ceci : que le bien s’y nomme le bien, et que le mal s’y nomme le mal ”
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SON ANALYSE DES COMPORTEMENTS SOCIAUX EST A L’EXACT OPPOSE DE CELLES ENCORE PROFESSEES PAR NOMBRE D’EXTREMISTES. A LA LUTTE DES CLASSES ILOPPOSE LE DIALOGUE SOCIAL CE QUI L’AMENE PARFOIS A FUSTIGER AVEC VIOLENCE LE COMPORTEMENT DE CERTAINS PATRONS. AINSI IL FAIT DIRE AU FILS LEMARIE DANS “ DE TOUTE SON AME ” : “ que de fautes il a fallu, de la part de ceux qui possèdent pour en arriver là ”. On peut voir là les influences de son beau-frère, mon arrière grand-père Ferdinand-Jacques HERVE-BAZIN DECEDE ALORS QUE RB N’AVAIT QUE 36 ANS, de Mgr FREPPEL , DE L’ENCYCLIQUE RERUM NOVARUM DE LEON XIII ET DES CATHOLIQUES SOCIAUX DE L’EPOQUE.
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C’EST PEU DIRE QUE CE PROPOS EST D’ACTUALITE AVEC LES EXCES DE CERTAINS GRANDS PATRONS AUX REMUNERATIONS DELIRANTES AVEC PARACHUTES EN OR OU L’ATTITUDE DES GOLDEN BOYS ET DES GRANDES BANQUES.
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Il serait intéressant par parenthèse d’établir une comparaison constructive entre RB et JHB, son petit-neveu qui ont étudié deux domaines bien différents : RB les relations entre classes sociales et JHB les relations au sein de la famille. Le premier en observateur extérieur attentif et impartial, le second en acteur impliqué dans l’étude de son propre cas.
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C’EST UN HOMME D’UN GRAND COURAGE (VOIR SON DISCOURS D’ENTREE A L’ACADEMIE FRANCAISE LORSQU’IL EVOQUE DIEU EN PLEINE PERIODE ANTICLERICALE) ET SA DEMANDE DE VOIR LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE PRIER DIEU PENDANT LA GRANDE GUERRE).
Il n’aurait certainement pas apprécié la laïcité active de notre président et le refus de la France de reconnaître les racines chrétiennes de l’Europe !
Il est possible ici de faire une deuxième comparaison entre René Bazin et Jean Hervé-Bazin. René Bazin est un homme de conviction qui croît en certaines valeurs et qui de plus les met en pratique sans barguigner/ Jean Hervé-Bazin n’y croit plus. Ainsi écrit-il en 1954 à un journal pour adresser à son grand-oncle dont on célébrait le centenaire de la naissance et qu’il qualifiait naguère de “ brosse à reluire de la famille ” un message bien dans son style aigre-doux à lui “ L’oncle René était un grand écrivain. Il a défendu des valeurs qui en leur temps avaient leur prix, dans une langue qui, elle, ne s’est pas dévaluée, qui demeure son titre de gloire. Pour être juste, disons aussi qu’il était parfaitement sincère et désintéressé ; ce qui n’est pas si fréquent dans la corporation. Il a soutenu toute sa vie un combat d’arrière-garde, en croyant dur comme fer qu’il se battait aux avant-postes. Mais il s’est bien battu : chapeau ! Tirons-lui le nôtre, qu’elle qu’en soit la cocarde.. ”
PLUS GENERALEMENT :
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SON PROFESSIONNALISME DE ROMANCIER JOURNALISTE QUI LUI FAIT
ASSOCIER RECHERCHES ET IMAGINATION
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LA QUALITE DE SON STYLE NOTAMMENT DANS LES DESCRIPTIONS DES PAYSAGES CAMPAGNARDS OU MARINS QUI TRADUISENT BIEN SON AMOUR DE LA NATURE ET DU MONDE PAYSAN.
“ La première fleur des buissons doit être celle des lauriers. Elle paraît dès février, courte, en grappes serrées, blotties et combien protégées par les armatures de la corolle ! Le froid est encore vif quand elle met le nez dehors : Elle n’a pas un blanc bien franc. Ce n’est pas une délicate. C’est un précurseur. Elle montre aux autres qu’on peut s’ouvrir. Alors les amandiers prennent confiance et lancent leur neige éclatante ; l’imprudence de leur feu d’artifice serait sans cela trop grande. Alors les pêchers peuvent éclater : pendant trois jours il n’y a pas de si jolies parures que la leur ”
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LA RICHESSE DE SON VOCABULAIRE QUI EST INCONNU POUR UNE BONNE PARTIE DE NOS CONTEMPORAINS ( bogue, charroyère, les encaqueuses, roye*, ramender, contredame, gaulis, closier, javelle, cormier, courtil, cannetille, seille, nard, grignon, muid, echalier, bourrinier*, la cheintre*, guéret, baller, flobart*, minard*, mannes, halettes*),
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EN DEPIT DU CARACTERE QUALIFIE PAR CERTAINS CRITIQUES DE “ MIEVRE ” DE SON ŒUVRE ( Mauriac l’avait qualifié de fra Angélico des lettres, ce moine du XV ème siècle ayant produit des tableaux d’une grande suavité d’inspiration et de coloris inimitables), LES INTRIGUES DE SES ROMANS SONT BIEN CONSTRUITES ET SURTOUT L’EMOTION EST PALPABLE. RB N’AVAIT PAS QUE DES CONVICTIONS, DES VALEURS, DU STYLE, DU COURAGE ET DU TALENT ! IL AVAIT AUSSI ET PEUT ËTRE PAR DESSUS TOUT DU CŒUR.
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J’AIMERAIS VOUS MONTRER DANS UNE TRES COURTE HISTOIRE L’EMOTION ET LE PATRIOTISME QU’IL FAIT PASSER EN LAISSANT LA PAROLE A MONSIEUR MONPETIT, PROFESSEUR A L’UNIVERSITE DE MONTREAL . NOUS SOMMES VERS 1925
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“ NOUS ETIONS 15 REUNIS UN SOIR AU CERCLE UNIVERSITAIRE DE MONTREAL, POUR UN DINER DE CUISINE NORMANDE. JE DEMANDAI TOUT A COUP, SANS Y AVOIR SONGE A CEUX QUI M’ENTOURAIENT :
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D’OU ES-TU ?
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JE SUIS DE ROUEN EN NORMANDIE.
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ET TOI ?
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D’EVREUX.
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ET TOI ?
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DE SAINT MALO.
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ET TOI ?
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DE POITIERS.
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JE REPRIS :
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DE QUELLE DATE ES-TU ?
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DE 1745
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ET TOI ?
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DE 1710.
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ET TOI ?
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MOI, JE SUIS VENU EN 1604 AVEC CHAMPLAIN.
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ALORS NOUS RESTAMES SILENCIEUX. NOUS AVIONS TOUS LES YEUX MOUILLES DE LARMES.
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JE PENSAIS SANS LE DIRE “ C’EST LA FRANCE SANS LA REVOLUTION ”
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IL FAIT, DANS SES DESCRIPTIONS DU MONDE PAYSAN, DE L’ INDUSTRIALISATION NAISSANTE ET DES PHENOMENES MIGRATOIRES, ŒUVRE DE SOCIOLOGUE ET D’HISTORIEN ET, NE SERAIT-CE QU’A CE TITRE, RENÉ BAZIN DEVRAIT AVOIR SA PLACE DANS LES MANUELS D’ECONOMIE.
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LE PATRIOTISME EXACERBE PAR LA PERTE DE L’ALSACE (les oberlé et Baltus le lorrain- citation )
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“ J’ai voulu étudier la terre conquise par l’étranger, mais où l’âme de la France continue d’habiter, l’Alsace. Je n’ai pas à expliquer pourquoi le sujet des Oberlé me tenta. Il n’est pas même nécessaire d’être français pour le deviner, et tous ceux qui prononcent avec douceur le nom d’une patrie intacte peuvent comprendre avec quelle tendresse il convient de parler d’une patrie blessée ”
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( n’aurait-il pas lui aussi volontiers crié “ vive le Quebec libre ” ?)
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LA RELIGION PRESENTE EN PERMANENCE DANS LES ŒUVRES DE RB QUE CE SOIT LE SUJET MÊME DU LIVRE ( de toute son âme, magnificat, Baltus le lorrain) OU EN FILIGRAMME
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“ les hommes d’Equihen, du Portel, de Boulogne ont de la religion ”- “ le troisième tableau, la sainte famille, attestait la foi de ces Gayole ”, “ elle s’inclina, mettant devant Dieu ses enfants, demandant pour chacun d’eux la même faveur : que ça fasse un chrétien, que ça fasse une chrétienne ”, Blampain commanda : “ Mousse, la prière ” ou encore “ il n’y a qu’un moyen : avoir de la religion comme un saint ”. IL S’AGIT DE CITATIONS PRISES AU HASARD, DANS UN SEUL LIVRE : GINGOLF L’ABANDONNE….
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II QUELS SONT LES POINTS SAILLANTS DE SON ŒUVRE.
ILS SONT SOULIGNES DEJA DANS LES RAISONS DE MON ADMIRATION POUR L’AUTEUR ; ON DOIT Y AJOUTER
III – POURQUOI IL EST INTERESSANT DE LE RELIRE.
JE CROIS AVOIR SOULIGNE LES ASPECTS LES PLUS INTERESSANTS DE L’OEUVRE DE RB. J’Y REVIENS ENCORE UNE FOIS POUR DONNER DES RAISONS DE LE RELIRE :
POUR LES CATHOLIQUES : MIEUX COMPRENDRE QUELAICITE NE VEUT PAS DIRE DISCRETION TOTALE ET TIEDEUR DANS LE COMPORTEMENT EN SOCIETE. IL EST EVIDENT QUE NOTRE SOCIETE AURAIT TOUT AVANTAGE A UNE IMPLICATION PLUS FORTE DES CATHOLIQUES DANS LA MISE EN ŒUVRE DE RELATIONS APAISEES ENTRE LES DIFFERENTES CLASSES SOCIALES.
POUR LES NON CATHOLIQUES LA LECTURE DE L’ŒUVRE DE RB LEUR RAPPELLERAIT OPPORTUNEMENT LES SOURCES CHRETIENNES DE L’EUROPE ET EN PARTICULIER DE LA France,
TOUS Y TROUVERAIENT OUTRE L’EMOTION QUE PROCURE LE TALENT DE L’AUTEUR MATIERE A REFLEXIONS SUR L’EVOLUTION DU MONDE ET DES MŒURS ENTRE LE XIXème SIECLE et le début du XXIème avec notamment le crépuscule du monde paysan.
BIEN SUR IL Y AURAIT BIEN D’AUTRES CHOSES A DIRE A PROPOS DE RB ET NOTAMMENT SUR LES OBSERVATIIONS QU’IL A PU FAIRE DANS SA BIOGRAPHIE DE CH. DE. FOUCAULD SUR LESRELATIONS ENTRE CHRETIENS ET MUSULMANS
“ (p221 la neutralité proclamée de l’état, les discours, même les faveurs imprudentes accordées à l’islamisme, ne les empêchent pas de voir que la vocation de la France n’a pas changé…et d’ailleurs, si jamais- ce dont il n’y a nulle apparence- les français devaient abjurer la foi catholique, nous n’aurions rien gagné auprès des musulmans de l’Afrique, et nous serions devenus plus sûrement encore et irrémédiablement un objet de mépris pour ces peuples religieux.
MAIS LE TEMPS M’ETAIT COMPTE ET IL NE ME RESTE PLUS GUERE QUE CELUI DE VOUS REMERCIER DE VOTRE ATTENTION.
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Eric Hervé-Bazin, fils de Pierre et neveu “ d’ Hervé Bazin ” ; petit-fils de Jacques, arrière petit-fils de Ferdinand-Jacques, arrière petit-neveu de René Bazin.
Le 12 octobre 2008, AG des Amis de René Bazin, 62 avenue de Breteuil Paris 75007