Extraits du discours de réception de Georges Duhamel à l’Académie française – le 25 juin 1936
* Auteur dramatique, essayiste, poète, romancier et médecin, Georges Duhamel a été élu par l’Académie française à la place vacante par la mort de M. Lenotre (fauteuil 30). Il en fut le secrétaire perpétuel de 1944 à 1946.
[…] Je n’ai pas connu René Bazin. Je ne l’ai jamais vu. Je n’ai jamais entendu le son de sa voix ; je n’ai jamais éprouvé la pression de sa main. J’en ai d’autant plus de regret que j’attache grand prix à de telles expériences humaines. J’étais encore jeune homme et je venais de publier un poème dans l’une de ces petites revues où Paul Valéry voit avec raison les laboratoires des lettres, quand je reçus, de René Bazin, lecteur inespéré, quelques lignes empreintes d’une sollicitude exquise. À cette correspondance, qui jette beaucoup de lumière sur la générosité d’un artiste mûr et glorieux, se réduit l’histoire de nos relations littéraires. Il serait donc bien audacieux au commentateur de vouloir jouer les portraitistes. Vais-je vous décrire une personne que vous connaissez mille fois mieux que je ne la connais moi-même, une personne qui a fréquenté vos assemblées pendant plus de trente ans, une personne dont vous avez pu juger, estimer, aimer le caractère en même temps que les ouvrages ?
[…] De certains auteurs, on dit qu’ils possèdent une grande œuvre, et d’autres on pense qu’ils ont fait une grande carrière. De René-François-Nicolas-Marie Bazin, nous pouvons déclarer qu’il a fait une grande œuvre et une grande carrière.
[…] J’ai dit le romancier. C’est un autre mot qui me venait aux lèvres. René Bazin est un poète. — Ce présent de l’indicatif vous marquera, messieurs, le crédit que je donne à sa mémoire. — Le don de percevoir les êtres et les phénomènes avec la vivacité, l’ingénuité que dut montrer le premier homme ouvrant les yeux au premier jour de la création, voilà, sans nul doute, le don essentiel du poète, et, ce don, René Bazin en jouit. Le poète est celui qui possède un double pouvoir d’étonnement et de représentation, celui qui ne se lasse point d’aimer et de peindre, celui qui chérit d’un même cœur et l’objet et les instruments de son art. Cette ardente curiosité vivifie toute l’œuvre de René Bazin…
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