Ce livre ancien, datant de 1915, regroupe une trentaine de nouvelles, histoires courtes et variées, qui illustrent l’engagement généreux et enthousiaste de notre population, toutes classes sociales confondues, au service de notre beau pays de France, lors de la guerre de 14-18. L’auteur met bien en valeur la réalité de « l’union sacrée », face à l’épreuve collective. Au fil des pages, on découvre des personnages étonnants, qui se donnaient sans compter, du simple soldat au chef doué d’un charisme communicatif, la place trop méconnue des femmes dans ce contexte de guerre, le rôle irremplaçable des aumôniers, médecins ou infirmiers sur le front etc… « La publication de ces récits, c’est un peu ma part de guerre. Ne pouvant me battre parmi les soldats, j’ai tâché du moins, de soutenir les courages, de célébrer les actes d’héroïsme et la foi de nos armées et de montrer la force d’une France unanime, autant de raisons d’espérer la victoire et la paix française ». Ces quelques lignes, provenant de l’avant-propos du livre « Pages religieuses » diffusé par l’auteur, la même année 1915, résume bien l’objectif poursuivi.
On constate d’ailleurs l’influence centrale de la 1ère guerre mondiale dans toute l’œuvre de l’académicien. Dès les années 1880, le tout jeune écrivain discerne, de façon pertinente dès ses premiers écrits, les causes prévisibles et la venue probable d’un prochain conflit majeur avec l’Allemagne. Après la défaite humiliante de 1870, le climat de revanche se développe de façon bien naturelle. Il va s’accentuer, avec l’échec durable des visées monarchistes depuis la mort du Comte de Chambord en 1883 ; puis avec les crises successives du Boulangisme et des politiques anticléricales et sectaires de l’époque. R. Bazin publie en 1901 un livre célèbre « les Oberlé », le roman de « la patrie blessée » qui va connaître un immense succès (plus de 400.000 exemplaires). C’est bien ce roman patriotique qui va ouvrir à l’écrivain les portes de l’académie française, dans un climat international, marqué à cette époque par l’environnement « prussien ».
Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France. Suite à la mobilisation générale, les deux fils et les trois gendres de l’académicien rejoignent aussitôt les unités combattantes. Il est facile d’imaginer alors les préoccupations de l’écrivain, âgé alors de 61 ans. Comme le précise la citation ci-dessus, R. Bazin va alors s’engager à fond dans « un combat littéraire ». Il multiplie alors dans les journaux de l’époque, articles de presse, chroniques du temps de guerre, études diverses et conférences. Tous ces écrits concernent, à la fois, le front et aussi la vie quotidienne à l’arrière. Ils seront ultérieurement regroupés et publiés sous forme d’ouvrages : d’abord, cette présente réédition « Les récits du temps de la guerre 1915 », et quelques mois plus tard : « Pages religieuses », déjà cité, puis « Aujourd’hui et demain, pensées du temps de la guerre », paru en 1916, « la Campagne française et la guerre » et « la Closerie de Champdolent » en 1917, « « les nouveaux Oberlé » en 1919. Il convient de souligner la diversité des lieux évoqués dans tous ces récits : de l’Alsace à la Lorraine et à la Meuse, de la région du Nord à la Belgique et au Royaume Unis ; de la Vendée à la Bretagne, sans oublier les autres régions de France, notamment la Provence.
Le 11 novembre 1918, alors que le Maréchal Foch, généralissime des armées alliées, signe enfin l’armistice avec l’Allemagne à Rethondes, on peut imaginer le climat d’apaisement et d’immense joie qui règne alors dans la demeure familiale de R. Bazin aux Rangeardières – comme dans toutes les familles à nouveau réunies – . Enfin, la paix retrouvée ! C’est là que R. Bazin recevra Ferdinand Foch, avec lequel il aura des liens amicaux et réguliers. Il partage avec lui, tout au long de la décennie 1920-1930, ses réflexions sur les ambigüités évidentes des traités de paix, signés à Versailles en 1919, avec 28 Etats et la SDN. Au cours de cette période, R. Bazin publie encore plusieurs ouvrages, profondément marqués par les conséquences de la guerre : « Charles de Foucauld 1921, Il était quatre petits-enfants 1922, Baltus le Lorrain 1926 et Magnificat 1931 ».
En relisant les ouvrages, évoqués ci-dessus, on peut mesurer l’intensité et la permanence de l’attachement de l’académicien à son pays, à la terre des pères, à la « Douce France » ; livre dans lequel il écrivait, juste trois ans avant la guerre : « Il est nécessaire aujourd’hui de montrer aux Français pourquoi nous devons aimer la France et ne jamais désespérer d’elle…La France est appelée douce à cause de sa courtoisie, de sa finesse et de son cœur joyeux…Mais la Douceur n’est pas faible, elle n’est pas timide. La Douceur est forte. La Douceur est armée pour la justice et pour la paix. Elle ne fait pas d’inutiles moulinets avec son épée, mais elle en a une le long de son flanc, et elle en tient la garde dans sa paume solide et calme. Sans elle, il n’y a que violence ».
Ces récits du temps de la guerre nous parlent toujours aujourd’hui. Même si ces lignes sont écrites dans le contexte historique d’il y a un siècle, elles ne cessent d’étonner par la justesse de leur discernement, et par leur vif intérêt pour l’époque actuelle.
Le 12 août 2015
Jacques Richou*
*Officier général, arrière-petit-fils de l’auteur, il a créé l’association des amis de R. Bazin en 2007.
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