De toute son âme

Deux ans avant La Terre qui meurt, son roman le plus célèbre qui a pour cadre le marais vendéen, René Bazin publie, en 1897, De toute son âme, une belle histoire nantaise dans une ville alors en plein essor industriel et dont le port n’a pas encore été déserté par les grands voiliers.

Ce livre nous parle de Nantes, en effet, telle que la ville était voici un peu plus d’un siècle, de la condition ouvrière, si dure à cette époque, de l’émigration bretonne, si importante au XIXesiècle, de métiers disparus. Mais, plus que ce vivant tableau d’une ville au travail qui ne constitue que le cadre de cette histoire, l’auteur nous brosse le portrait d’une jolie Nantaise, une employée de la mode, particulièrement vive et attachante, qui se découvre, le temps venu de se marier, un destin différent, un appel plus fort, plus impérieux que celui des simples joies de la vie et des désirs humains auxquels elle n’est cependant pas du tout insensible. Et la voilà, dans le secret de son cœur, conduite à faire un choix difficile : celui d’avoir à privilégier les sollicitations de son âme. Ce destin singulier, qui la contraint à sacrifier son corps, mais non sa féminité, pour répondre à cet amour plus grand, plus exigeant, exclusif, elle s’y soumet, non dans un esprit de renoncement mais pour s’accomplir pleinement. Lhistoire d’Henriette Madiot, si bien menée par René Bazin, de fait, est toute simple et on ne peut plus romanesque : c’est celle, au sens que lui ont donné les mystiques, du grand amour. L’écrivain est là, comme dans tant d’autres de ses romans, au meilleur de l’art où il excelle : la peinture de l’âme féminine. D’Henriette Madiot, il nous brosse un portrait sensible.

Jacques BOISLÈVE
Préface de l’édition 2013

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