Dans son histoire de la littérature française (1981), Paul Guth présente ainsi René Bazin :
“Angevin jusqu’au bout de sa moustache de colonel de cavalerie, René Bazin (1853-1932) est un calomnié. On l’assimile à André Theuriet, ou a Georges Ohnet. On fait de lui le paladin des vertus fripées, l’avocat pleurard de ces bien-pensants que, depuis cinquante ans, on fustige si férocement par-devant, par-derrière, de face, de profil, que l’on se demande s’il en reste encore et où ils peuvent puiser la force de bien penser.
En réalité René Bazin cache, sous sa redingote, plus de muscles que l’on ne croit et plus de cette noirceur suivant laquelle nous décernons aujourd’hui nos brevets de talent. Il peint des drames affreux : une fausse vocation (Les Noëllet), la désertion des campagnes, fléau de la France moderne (La Terre qui meurt, 1899) le déchirement des familles alsaciennes dont certains membres, après la défaite de 1870, optent pour la France, alors que d’autres acceptent la domination allemande (Les Oberlé, 1901), les haines de classes (De toute son âme, 1897; Le Blé qui lève, 1907), les nouvelles guerres de religion qui empoisonnent la IIIe République (L’Isolée, 1905; Davidée Birot, 1912).
On confond aujourd’hui René Bazin avec la bondieuserie de Saint-Sulpice : nos âmes sans nuances refusent qu’au sortir des ténèbres il montre la lumière. Nous n’acceptons que la nuit totale, le désespoir absolu, gages d’intelligence pour ceux qui couronnent Satan roi de l’esprit.
François Mauriac, le romancier sulfureux du Noeud de vipères, se déclare à juste titre disciple de Bazin. Et il a suffi à Hervé Bazin de garder dans ses oeuvres tout le noir des romans de son grand-oncle, en supprimant la lueur, pour cracher sur sa mère le venin de Vipère au poing (1948).”